Au vol - Rae

Notre responsabilité morale n’est pas d’endiguer l’avenir, mais de le forger. De mener notre destinée dans une direction plus humaine et d’apaiser le traumatisme de la transition. Alvin Toffler

Old Town, automne 2018

Lorsque Lexa rompit notre baiser pour s'écarter un tout petit peu, plonger son regard dans le mien et déposer sa main douce sur ma joue, c'était à ce moment là que j'aurais dû comprendre que je me faisais manipuler encore une fois. Visiblement, l'étape Riley ne m'avait pas apporté beaucoup d'expérience puisque déjà je replongeais tête baissée dans un piège. Riley, après des mois à me faire croire qu'il m'aimait, qu'il serait prêt à tout changer, à arrêter de boire, avait un jour dépassé les bornes. C'était lorsqu'il avait levé la main sur moi que j'eusse compris qu'il était allé trop loin, que je devais cesser de croire à ses belles paroles et qu'il ne changerait jamais. J'ai fait tellement d'efforts pour lui, au point d'en mettre ma réussite scolaire en danger. Si je ne m'étais pas reprise en main rapidement, j'aurais pu ne pas réussir.
Et là, il suffisait de l'apparition d'une belle brune dans une période remplie de questionnements, pour me faire avoir à nouveau. C'était une boucle infernale, un cercle vicieux, une bourrasque m'amenant une nouvelle fois dans l'oeil de la tornade. Je ne m'en apercevais pas car elle était magnifique, sûre d'elle et semblait être capable de répondre à mes questions. Je m'apprêtais à m'offrir à elle dans mon entier pour le regretter encore.

Et c'était là que ma foutue obstination entrait en jeu: je ne voulais pas lui défaillir. Je voulais garder la tête haute malgré toutes les appréhensions que cela comprenait. Je pouvais encore m'enfuir et à cet instant là, j'aurais dû le faire. Mais les paroles de Lexa me piquèrent dans mon estime. Je me sentis atteinte par son jugement alors qu'il n'avait pas lieu d'être. Tu ne me connais pas depuis assez longtemps pour me juger prête à coucher avec toi ou pas, grinçai-je. Et là encore, je m'enfonçais un peu plus dans son plan diabolique, poussée par son baiser ardent déposé sur ma joue et sa lèvre mordue de désir la rendant terriblement sexy.
Alors je lui volai un nouveau baiser, plus court, ampli de fougue, avant d'attraper moi aussi cette lèvre qui me rendait folle. Ses dernières paroles avaient suffi à me rendre plus déterminée que jamais.  Elle savait me titiller pour me faire foncer aveuglément dans ses filets. Son plan fonctionnait à merveille. J'allais l'amener chez moi, cette fille. Cette fille sexy et si sûre d'elle, tellement qu'elle en profitait pour se jouer de moi. Je la détestais pour cela.
Mes doigts glissèrent le long de son bras pour attraper les siens. La regardant droit dans les yeux, je pris une grande inspiration avant de lâcher: Allons-y. Délaissant nos verres loin d'être vides, -je ne pouvais m'empêcher de trouver cela être du gâchis, mais bon- je tins entre mes doigts ceux de Lexa afin de nous frayer un chemin dans la foule. Nous avions beau être jeudi soir, le club était plein. Si je l'avais pu, je serai restée plus longtemps afin de profiter de la soirée. Mais la brune m'avait trop attisée pour que je la fasse attendre, au risque qu'elle finisse par m'abandonner. Je récupérai ma veste au passage, l'enfilant afin de me protéger de la morsure du froid à l'extérieur. Heureusement, des taxis attendaient devant l'Opium, prêts à ramener les fêtards ivres. Je hélai l'un d'eux, et lui fis par de mon adresse. Pas de problèmes mesdemoiselles, montez.

Notre responsabilité morale n’est pas d’endiguer l’avenir, mais de le forger. De mener notre destinée dans une direction plus humaine et d’apaiser le traumatisme de la transition. Alvin Toffler

Old Town, automne 2018

Au signe du chauffeur, j'entrai dans le taxi la première et Lexa me suivit. Cette dernière en profita pour attacher ma ceinture de sécurité et m'embrasser à nouveau par la même occasion. Je sentais que ce trajet en taxi allait être le plus long que je n'aurai jamais connu. Pourtant, quand je disais 10 minutes un peu plus tôt, c'était même encore moins. Surtout vu l'heure tardive, la circulation était fluide. Quand la brune entreprit des caresses significatives, j'eus l'impression de m'enflammer. Je sentais mon ventre se nouer, puis se détendre, mon esprit se questionner et se laisser aller. Je voulais donner à mon corps une sensation de confiance, mais l'appréhension venait semer le trouble.
Heureusement, le trajet dura aussi vite qu'espéré. Le chauffeur ne s'était permis aucun commentaire sur nos agissements à l'arrière, mais je le voyais jeter des regards dans le rétroviseur afin de s'assurer que l'on n'en vienne pas aux choses plus sérieuses. Ou peut-être l'aurait-il justement souhaité, car peut-être fantasmait-il à l'idée de voir deux filles coucher ensemble. C'est ici, déclarai-je afin de s'arrêter au plus près de la porte de mon immeuble. Il se gara sur le côté et à peine la voiture fut elle arrêtée que Lexa nous détacha et sortit de l'habitacle. J'aurais voulu lui suggérer de partager le prix du taxi, étant donné le verre que je lui avais offert, mais visiblement il n'en était pas question pour elle. Je ne m'arrêtai cependant pas sur ce détail et donnai rapidement la monnaie que le chauffeur demandait avant de sortir à mon tour.

Je sentais que Lexa s'impatientait, que son désir ardent ne faisait que grandir. Ca se voyait dans ses gestes, ses regards, ses baisers. J'entrai le code digital qui ouvrit la porte de l'immeuble et nous grimpâmes en vitesse jusqu'au troisième. En escaladant les marches je fouillais dans mon sac à main à la recherche de mes clés. Je les trouvai lorsque nous arrivâmes devant la porte, que j'ouvris. Lexa avait le privilège de découvrir mon univers, que je ne faisais partager qu'à la famille et aux amis. Les coups d'un soir, ça n'était pas mon genre, et aussi rares étaient-ils, je tenais à éviter de les ramener à la maison. Mais la brune prétextant qu'elle habitait trop loin, je n'avais pas d'autre choix que de l'inviter.
Le battant s'ouvrit sur l'entrée de mon appartement. Un petit meuble à chaussures sur la gauche où j'y retirai les miennes, un porte-manteaux sur la droite où je déposai ma veste. A peine entrées, nous étions déjà dans la salle principale: une cuisine ouverte, séparée du salon par un petit bar. Il y avait une petite table pour les repas à plusieurs et un coin télé avec un canapé. A l'autre bout, deux portes: celle de ma chambre qui était ouverte, laissant un aperçu sur mon lit deux places, et celle de la salle de bain qui était fermée. La décoration simple, dans les tons beiges et des meubles en bois avec des touches de plantes vertes pour me rappeler cette nature que j'appréciais.
Je contournai Lexa, afin de verrouiller la porte d'entrée de l'intérieur. Puis doucement je me retournai en ne sachant dire si j'étais impatiente, terrorisée, stressée, fougueuse. Je l'observai silencieusement un instant, le souffle court. Ce mètre qui nous séparait me parut rapidement insupportable. Alors je cessai l'attente et fondis sur elle, l'embrassant de mon désir brûlant qui doucement se répandait partout dans mon corps. Nous étions seules cette fois-ci, sans le regard indécent des fouineurs du club. C'était notre bulle d'intimité et cela était d'autant plus excitant.

Notre responsabilité morale n’est pas d’endiguer l’avenir, mais de le forger. De mener notre destinée dans une direction plus humaine et d’apaiser le traumatisme de la transition. Alvin Toffler

Old Town, automne 2018

Lexa répondit à mon appel d'air et m'embrassa de plus belle. Elle attrapa l'un de mes bras et me tira petit à petit à la chambre. Sachant qu'elle ne connaissait pas l'appartement, c'est moi qui la guidai jusqu'à la chambre. J'y vivais depuis plusieurs années aujourd'hui et ce studio n'avait plus aucun secret pour moi, j'en connaissais ses moindres recoins. Pendant que je l'amenais dans la chambre, elle ne perdit pas de temps et attrapa les pans de ma robe pour les soulever, jusqu'à me retirer mon vêtement. Curieuse de voir ce qui se dissimulait sous la tienne, j'en fis de même et la lançai quelque part dans le salon avant d'entrer dans la chambre. Le corps de Lexa était toujours aussi sexy avec de superbes courbes élancées. Une taille de guêpe, un ventre plat, une petite poitrine, de longues jambes, elle me semblait plus attirante qu'aucun homme ne le fut à mes yeux. Cette jeune femme avait décidément tout pour plaire.

Instinctivement, elle échangea nos places tandis que mes jambes rencontraient le cadre du lit sur lequel je m'assis, accueillant la brune au-dessus de moi tandis que je m'allongeais sur le matelas. Désormais loin de tout regard, je découvrais son corps en laissant aller mes mains partout, son dos, les parties sensibles du ventre, j'en vins même à décrocher son soutien-gorge et mes lèvres quittèrent les siennes pour parsemer son cou de baisers ardents. J'en vins jusqu'à l'oreille où j'y trouvai son lobe. Ces gestes-là s'avéraient basiques, dans toutes relations quelles soient hétéro ou homo. Pour l'instant, je m'avançais dans un terrain connu et confortable, pour l'avoir déjà pratiqué plusieurs fois. Cependant, Lexa ne tarderait pas à me faire explorer ce nouveau chapitre dont je ne connaissais encore pas grand chose, si ce n'était de la théorie pour m'être fait beaucoup de scénarios dans ma tête. Pour le restant de la nuit, je pris le parti de ne plus me soucier, de me laisser aller sous les caresses de Lexa. Elle savait ce qu'elle faisait, elle semblait même se prendre particulièrement au jeu de me montrer comment ça fonctionnait avec la gente féminine. Au moins pour cela, je savais que j'étais entre de bonnes mains et qu'elle n'allait pas me mener n'importe où. Du moins, pour cette nuit. Pour demain matin, ce serait une autre paire de manche.

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Old Town, automne 2018

Cette nuit fut bien plus que ce que j'aurais espéré. Après avoir décidé de me laisser aller pleinement sous les mains agiles de Lexa, tout s'est enchaîné très vite. A vrai dire, j'ai l'impression que tout s'est passé en quelques minutes à peine alors que ce moment avait duré bien plus long. J'avais pu ainsi en apprendre sur moi et sur les autres, surtout sur les femmes. Je n'aurais pu espérer mieux venant d'elle. Elle avait totalement satisfait mes attentes et m'avait prouvé qu'elle savait ce qu'elle faisait.
J'étais heureuse de m'endormir à ses côtés. Après nos ébats nocturnes, nous nous sommes trouvées chacune un coin de lit. Je n'avais pas besoin de chercher sa proximité pour la nuit, Lexa m'avait déjà bien assez donné cette nuit pour que je lui en demande davantage. Je me suis rapidement endormie, bercée par la chaleur qu'elle me procurait sans même me toucher et le rythme régulier de ses respirations. J'étais épuisée et le restant des vapeurs d'alcool me guidèrent dans les bras de Morphée, plutôt que dans ceux de Lexa.
***
C'est un bruit insupportable qui me sortit de mon sommeil. Un son répétitif, comme si l'on cognait contre la vitre de ma chambre. Lorsque j'ouvris un oeil, je découvris que le soleil venait à peine de montrer le bout de son nez. Le ciel était encore sombre, mais ses premières lueurs éclairaient les nuages dans de beaux contrastes colorés.
Mon premier réflexe fut celui de jeter un oeil à l'autre bout du lit. Personne. Je soupirai. Lexa était déjà partie, avant même que je n'ai pu lui dire quelque chose. Ne serait-ce qu'un au revoir, ou peut-être un merci. La belle brune s'était enfuie et je ne la reverrai sans doute jamais. En fait, je me rendais compte une fois les idées claires et sobres, que j'étais presque déçue. J'aurais voulu apprendre à mieux la connaître. Mais c'était trop tard.
C'est le frappement incessant qui me rappela pourquoi je m'étais réveillée à cinq heures du matin. Je me tournai alors vers la fenêtre. Echo était là et en me voyant enfin réveillée, il se mit à sautiller sur le rebord de la fenêtre en battant des ailes, heureux que je le considère enfin. Toutes les nuits je lui ouvrais la fenêtre pour qu'il puisse venir dormir à l'intérieur, encore plus souvent lorsque les nuits se faisaient froides. En voulant me lever pour lui ouvrir la fenêtre, je me rappelai que j'étais nue comme un ver. Je cherchai du regard la robe de Lexa, à la recherche d'un dernier indice, mais non. Comme Cendrillon, elle avait disparu à minuit.
J'ouvris au pauvre petit rouge-gorge glacé qui s'enfonça dans l'appartement en même temps qu'un courant d'air froid qui me fit frissonner. Alors que j'aurais dû me sentir entière pour enfin avoir mes réponses, je me sentais vide. J'avais un sentiment de chose non terminée. Je retrouvai mes sous-vêtements et enfilai un jogging et un t-shirt, me dirigeant vers la cuisine. Un verre d'eau. J'avais besoin d'un verre d'eau.

Je me servis donc une boisson fraîche tout droit coulée du robinet. Après l'alcool de la veille, je me sentais renaître. Je pourrai retourner me coucher après ça. Mais en buvant mon eau froide, j'aperçus un détail surprenant. Mon porte-monnaie ressortait de mon sac à main. Je finis mon verre cul sec et le déposai sur le bord du lavabo. Je pris mon porte-monnaie en main. Hier soir, il me restait une bonne centaine de livres sterling. Là, il était vide. Mon coeur manqua un battement. Je fouillai dans mon sac à main. Mon portable était là. Je courus au salon, mon ordinateur était là. Je courus à la salle de bain, où je rangeais mes bijoux, ils étaient là. Puis je m'élançai dans ma chambre, découvris mon placard entrouvert. J'ouvris le battant et attrapai la petite boîte qui était déposée sur le dernier rayon tout en haut. Je l'ouvris. Disparu. Le collier que ma mère m'avait offert à mes dix ans. Envolé.
-Salope, grognai-je. C'était bien ce que je pensais d'elle à cet instant. Lexa s'était servie de moi pour me voler mon bien le plus précieux. Elle aurait pu prendre mon téléphone, mon ordinateur, mais il a fallu qu'elle tombe sur le bijou de ma mère. Je me mordis les lèvres si fort que je faillis les percer, je serrai mon poing si fort que mes ongles marquèrent ma peau.

Alors que le rouge-gorge s'installait douillettement dans le petit nid de ouate et de différents tissus. Je me présentai devant lui. Echo, j'ai besoin de ton aide. L'oiseau me jeta un regard plein de reproches. J'étais désolée de l'avoir laissé dehors toute la nuit, mais j'avais réellement besoin de lui sur ce coup-là. Sans lui, jamais je ne pourrais retrouver cette fille. Il était la seule chance qu'il me restait.
En plus, j'étais certaine qu'elle m'avait menti sur toute la ligne. Elle ne s'appelait pas Lexa. Elle ne travaillait pas dans un cabinet médical et ne vivait pas à Edimbourg depuis 6 ans. Je ne savais rien d'elle, à part qu'elle baisait incroyablement bien. Ca s'annonçait bien pour la retrouver.