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There's hell to pay You're gonna sink or swim, but no matter what you do you're gonna learn the truth.
La présence d’Aurore au château était généralement assez limitée ; elle arrivait tard le soir et repartait dès l’aube. Les confrères remarquaient son absence mais étaient habitués, et si personne ne savait ce qu’elle faisait en dehors du siège, les curieux la dispensaient de questions. Pourtant aujourd’hui, à la grande surprise de ses compagnons, sa voiture n’avait pas quitté son emplacement habituel.
Quand elle entre dans la salle commune, le volume général baisse d’un ton et on la regarde du coin de l’œil. On guette sa réaction, parce qu’on la connaît. On la sait capable de tout, et on s’imagine que sa présence n’est jamais bon signe. Alors quand elle s’approche du bar où trois confrères discutaient autour d’un bon verre, on s’écarte légèrement et on la regarde en silence. Le sourire qu’elle leur offre détend instantanément l’atmosphère. Aucune mauvaise nouvelle ne pouvait être introduite avec pareil sourire, ce serait bien trop tordu, même pour elle. Attrapant la bouteille de bourbon, elle l’incline pour lire l’étiquette et plisse ses lèvres vers le bas pour finalement se servir un fond de verre.
« Il va falloir m’indiquer qui achète l’alcool ici. Il mériterait une promotion. » marmonne-t-elle comme si elle n’avait pas d’audience alors que son regard roule de son verre à ta silhouette plus loin.
Offrant un dernier sourire à ses confrères, elle s’écarte gracieusement et se déplace lentement dans la pièce avant de ralentir près du billard, où elle fait glisser ses ongles sur le tapis. Déposant son verre dans un coin de la table, elle attrape deux queues de billard et relève sa tête vers toi. Ses yeux se plissent pour détailler précisément les tiens, avant que son visage ne se détende, égayé par un sourire presque chaleureux : un de ces sourires qu’on savait contrôlé. Elle lance une des queues dans ta direction, sans même prévenir son geste, et attrape son verre de sa main libre pour l’approcher à ses lèvres.
« A moins que tu n’ai mieux à faire. » déclare-t-elle en haussant un sourcil, pour finalement laisser l’alcool gargariser le fond de sa gorge et enflammer délicieusement ses organes.
N’attendant pas ta réponse, elle met en place les billes dans le triangle prévu à cet effet et cire longuement le bout de son instrument avant de se décaler pour te laisser l’occasion de t’avancer jusqu’à la table.
« Je te laisse l’honneur de casser. »
Un sourire en coin accentue son air joueur, alors qu’elle roule très lentement son regard sur le côté, dans ta direction, sans pour autant bouger sa face. Le reste des confrères retournent à leurs activités, s’imaginant à tort qu’elle n’est là que pour se mêler à sa troupe, sans réelles intentions.
Cela fait plusieurs jours que Thomas reste dans le chateau. Aucune mission, aucune occupation. Sans aucune attache particulière à l'extérieur, il est cloitré ici. Il s'entraine - ou plutôt il se défoule sur ses partenaires -, on le dispute parce que son pouvoir empêche les autres de se concentrer, il s'isole alors, il enchaine les verres d'alcool, il grommelle dans son coin, il dort.
Le Blaireau, de son côté, lui, n'a de cesse de le coller. Il en profite toujours, quand il est enfermé ici. Sous sa forme de blaireau européen, il fait la morale à Thomas sur les différents actes qu'il a pu accomplir à l'extérieur. C'était pas bien, ça. Tu aurais pu gérer ça autrement. Pourquoi tu t'es emporté ? Et bla et bla et bla.
L'homme n'a que faire de ses remarques. Il n'a que faire de son anima. Il vit très bien sans cette chose qu'il aurait préféré ne jamais rencontrer. « Il va falloir m’indiquer qui achète l’alcool ici. Il mériterait une promotion. » L'élu relève la tête. Voilà Aurore. Tout le monde la regarde. Il n'a même pas remarqué que l'ambiance s'est affaissée, trop occupé à écouter le Blaireau, assis à ses pieds, monologuer sur l'utilité d'avoir la rage, mais la bonne. Quel boulet, cet anima.
Le regard d'Aurore se pose sur Thomas. Il plisse les yeux. Elle ne lui fait pas peur. A vrai dire, il commence à avoir l'habitude de la côtoyer. Ou plutôt, de recevoir des ordres. Il n'aime pas vraiment ça, mais disons que ça l'occupe. Et il ne voudrait pas froisser la Potentielle. Il tient quand même à son cul. Et à sa place au chateau. Même si pour le moment, Thomas se pose quelques questions.
Il finit son verre. Il est rare que la demoiselle soit ici. A-t-elle quelque chose à lui demander ? L'élu la suit du regard, le Blaireau fait de même. Il ne l'aime pas, cette Potentielle, l'anima la trouve louche. Il n'a de cesse de mettre Thomas en garde. L'homme s'apprête à retourner à son occupation mais une queue de billard s'introduit dans son espace personnel. Grâce à l'avertissement du Blaireau, il l'attrape sans avoir l'air trop ridicule.
Qu'est-ce qu'elle lui veut, encore ? N'y a-t-il personne d'autre pour effectuer ses bases besognes ?! « A moins que tu n’ai mieux à faire. » Non, bien sur qu'il n'a rien à faire. Il est déjà presque bourré. D'ailleurs, il ne compte pas s'arrêter là. Affublé d'un vague sourire amusé, il se lève, se resserre un verre de whisky et s'approche de la table de billard. La dame a déjà tout mis en place. Au moins, elle sait ce qu'elle veut.
Cela fait quelques temps qu'il n'a pas joué. Il doit être un peu rouillé, depuis le temps. Mais le quadragénaire ne compte pas se faire battre pour autant. « Je te laisse l’honneur de casser. » Quel honneur de pouvoir jouer avec la Potentielle de l'Araignée ! Il doit en faire, des jaloux.
Le regard joueur de la Potentielle amuse Thomas dont le maigre sourire s'élargit quelque peu. Il inspire longuement et se concentre sur le jeu, sans un mot. Il n'a jamais été très bavard, ni très expressif. C'est un peu comme si tout le laissait de marbre, comme s'il méprisait tout le monde du regard. Mais là, son adversaire peut avoir la chance de le voir sourire. Elle l'a prise par les sentiments, avec ce billard. Avec l'alcool, cela fait une parfaite combinaison. Rares sont les occasions d'avoir un joueur qui veut bien de lui. Peut-être parce qu'il ne veut pas perdre et qu'il est mauvais perdant. Et qu'il a tendance à frapper quand il perd. C'est certainement ça. Mais Aurore s'en fiche, visiblement.
Se penchant en avant, d'un coup de queue bien placé, il commence le jeu. Le coup n'est pas parfait, mais c'est un début. Il fait craquer sa nuque en se redressant et rejoint son verre. Ses yeux clairs se posent sur son adversaire, il guette une réaction, un signe qu'il s'agit d'une nouvelle mission de renseignements un peu douteuse.
Le Blaireau les rejoint, il jette un mauvais oeil à Aurore. Thomas le pousse légèrement du pied. Casse toi, lui fait-il comprendre. Mais l'anima refuse d'obtempérer. Il tient position, à ses pieds, tel un gentil toutou de garde, même s'il ne peut rien faire, en définitive, à part essayer de lui faire peur avec ses rayures ou prendre l'apparence d'un ratel pour lui péter dessus.
There's hell to pay You're gonna sink or swim, but no matter what you do you're gonna learn the truth.
Toujours du coin de l’œil, Aurore détaille méticuleusement tes gestes, roule son regard vers les billes qui éclatent et perd finalement toute attention, focalisée dans le vague. Elle inspire finalement par les narines et dresse les sourcils, s’avançant vers la table de bar pour se pencher tout en prenant soin d’armer correctement. Elle plisse ses yeux pour améliorer la précision de son tir, mais avant de jouer, elle relève son regard vers toi et sourit en coin. Le message est forcément passé. Alors elle regarde à nouveau la table et joue son jeu, le premier coup étant plutôt bien réussit. Elle se déplace autour de la table et s’arrête à côté de toi avant de se pencher à nouveau. Cette fois-ci, elle semble plutôt déconcentrée, ou disons détachée, comme si ce coup n’avait aucune importance.
« Tu as eu l'occasion de saluer Lex depuis son retour ? »
Alors qu’elle vise sa couleur, en raison de la puissance de tir, la bille blanche sort du jeu et cette faute marque le début de ton tour. Elle ne semble pas affectée par cette erreur et se contente seulement de contourner la table dans l’intention de ramasser la bille mais on s’exécute à sa place. Quelle galanterie, qui sera gracieusement remerciée d’un pâle sourire. Elle prend la blanche et la remet en jeu avant de se tourner vers toi et d’arquer un sourcil. Naturellement, elle se décale de quelques pas pour te laisser jouer le prochain coup mais se rapproche à nouveau pour saisir son verre. Elle l’approche de ses lèvres, te fixe dans les yeux, avant d’apporter la boisson à sa bouche pour la tremper dans l’alcool. Goûtant une gorgée, elle pince ses lèvres pour les déshumidifier et s’exprime à voix basse :
« J’ai besoin d’un homme de main pour m’accompagner en mission. »
Reposant son verre dans un angle de la table, elle dégage ses cheveux de sa nuque et regarde les autres confrères avant de se concentrer à nouveau sur les traits de ton faciès.
« Un nouveau clan a émergé. La résistance. Un de mes informateurs m’a tenu au courant de leurs pratiques… Peu orthodoxes. Ils donneraient apparemment dans le kidnapping et crimes en tout genre. »
Attrapant le bleu, elle cire le bout de sa queue de billard en vérifiant du coin de l’œil que personne ne s’attarde sur vous, pour finalement s’attarder sur ton anima. Après un moment à le fixer, elle relève son regard vers ton visage et ajoute :
« J’ai besoin d’être mise en relation avec l’un de leurs dirigeants. Pour ça, j’ai situé un de leur campement, dans les compagnes de Banchory. Et je pense qu’on devrait leur rendre une petite visite de courtoisie. »
La fin de sa phrase avait été accentuée pour que tu comprennes ce qu’elle pouvait sous entendre : peu importe ce qui devrait se passer là-bas, elle voulait des réponses et elle ne freinera devant rien pour les avoir. Son visage se détend subitement et elle reprend son verre en redressant son verre dans ta direction.
Le jeu continue. Celui de billard, mais aussi celui de regard. Leurs yeux se croisent, se fixent, emplis de sous-entendus. Que veut-elle encore lui faire faire ? Il la regarde jouer patiemment. Elle n'a pas l'air de prendre le jeu au sérieux, mais c'est pourtant bien le cas de Thomas. « Je ne l'ai pas vu. » Il sait ce qu'elle veut. Il a compris, depuis le temps. Tout ça est louche. Cette potentielle a quelque chose derrière la tête. Aussi s'est-il contenté de répondre laconiquement, sans la quitter des yeux, gardant un air neutre. Pour le coup, c'est vrai.
Thomas ne peut cependant s'empêcher de sourire en coin lorsqu'elle éjecte la bille blanche hors de la table. Pense-t-elle vraiment gagner de cette façon ? Il secoue légèrement la tête en reprenant une gorgée. Il fait rouler sa queue entre ses doigts, jaugeant le prochain coup, s'autorisant à lâcher son adversaire du regard pour se concentrer sur le jeu. Il déteste perdre.
L'élu s'approche alors à son tour. Il sait exactement quoi faire. Il se positionne, vise pendant plusieurs secondes mais les paroles d'Aurore le figent soudainement. Il fronce légèrement les sourcils, juste assez pour qu'un lambda confonde cela avec une mimique de concentration. Son coup part après quelques secondes d'immobilisme. Il s'est déconcentré. Il déteste ça. Le voilà qu'il rate son coup. Heureusement, les billes ouvrent encore un jeu acceptable pour lui. Il a toutes ses chances. Mais il n'y pense plus.
Une mission ? Encore ? Pourquoi lui ? Pourquoi accepte-t-il à chaque fois, déjà ? Pour s'occuper, mine de rien, vu qu'il juge que Lex ne lui donne que des besognes ennuyeuses, contrairement à Aurore ? Il se redresse et fait disparaitre son léger trouble dans une gorgée d'alcool. Il jette un oeil au Blaireau. C'est un mauvais plan, lui souffle-t-il au creux de son esprit. Son regard désapprobateur ne suffit pas à faire changer d'avis Thomas. Mais il ne va pas se laisser faire éternellement. Il s'appuie sur la table, les bras croisés, la queue posée à côté de lui. Elle lui parle de Résistance, d'informations, de petite visite de courtoisie. Il souffle un nouveau rire, un sourire en coin se dessine sur ses lèvres. L'élu aime bien sa façon de voir les choses. Elle doit savoir que la courtoisie, c'est son dada.
Mais la, tout de suite, il faut gagner ce fichu jeu. Il trinque avec elle avant de siffler la fin de son verre. « Rêve toujours, c'est moi qui compte gagner. » Il s'écarte finalement pour lui laisser la place. Mais il n'est pas loin. Tout prêt d'elle, un regard sur les alentours, mais surtout sur elle, il inspire longuement. « Lex est-il au courant, de tes petits projets ? » Une question qui peut paraitre tout à fait anodine. Mais il y a plus derrière ça. Le Blaireau le sent aussi. Quelque chose se trame. Il n'est peut-être qu'un pion dans leur jeu. Il déteste ça. Lui aussi, peut faire des complots, faire par de jeux sombres. Lui aussi, peut poser des questions ambiguës et montrer qu'il n'est pas un simple confrère venu satisfaire ses besoins d'action et de rébellion.
Il désire que leur mission soit un succès, et il compte bien mettre toutes les chances de son côté. Alors si cette Aurore cache quelque chose, comme son pressentiment lui hurle, il doit le découvrir.
Tout en finesse, bien entendu. Il se détourne, décide de lui laisser quelques secondes de réflexion afin d'aller se resservir un verre de whisky. Il revient alors, la démarche lente, les bras croisés, le verre serrés entre ses doigts, observer son jeu. Son jeu de billard et son jeu de regard, bien entendu.
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