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La cour du château avait été recouverte d'un épais manteau neigeux à cette époque-ci de l'année. L'an 2011 avait pour souvenir d'un hiver particulièrement glacial, et surtout dans la vielle ville d'Edimbourg. Mais en plus de ce froid sibérien, cette année-là, l'Alliance avait perdu un pilier important de ses rangs. Un coup dur. Mila Gallagher avait rendu son dernier souffle, l'élue du Renard, membre indispensable du Conseil les avait quittées précipitamment suite à un AVC, avec pour seule relève, sa fille, Ella. Une jeune diplômée de l'Académie des Lions et potentielle du renard devenu dès à présent son élue.
Ella avait été convoquée dans le bureau de la Trinité ce jour-là. Les trois lions lui avaient clamé haut et fort l'importance qu'avait eut Mila, mais aussi l'importance qu'Ella devra dès à présent avoir. Elle ne maîtrisait aucune capacité. Agathe lui précisa qu'elle sera formée durement et qu'elle devra rester forte pour pouvoir assurer la fidélité des alliés dans leurs rangs. Tandis ce que William, lui...
« J'espère que tu sais ce qu'il en coûte, Ella ce peuple attend de toi que tu te montres à sa hauteur. »
La voix glaciale et l'air impassible de William Hudson lui bloqua la respiration durant un bref instant. Elle n'était pas encore remise de la disparition de sa mère qu'elle se devait déjà de reprendre le flambeau, et en dehors de son renard, Red, elle n'arrivait pour l'instant pas, à trouver ce point de repère qui allait pouvoir l'aider à tenir le coup.
« Je... j'y arriverai, prononça-t-elle en ravalant sa salive assez difficilement. - Avec un peu plus de conviction. - J'y arriverai. »
Elle n'avait pas réfléchi, sa voix s'était transformée en l'espace de quelques secondes pour lui offrir ce qu'il avait envie d'entendre. William était le plus impressionnant des trois, ô qu'elle les craignait tous. Mais William voulait de la discipline. Il ne laissait passer aucune faute. Il voulait des rangs solides et des alliés digne de cet empire. Il n'aimait pas la faiblesse.
« Tout ira bien. »
Le regard de la brune s'échappait un instant en direction du troisième élu du Lion. Craig, qui jusqu'à présent était resté silencieux. Ce membre de la Trinité lui avait semblé beaucoup plus posé et amical que les deux autres.
Elle se souviendra de ce jour pendant encore longtemps.
AUJOURD'HUI.
Ella jonglait entre deux mondes. Celui de l'Alliance et son boulot d'avocate à Edimbourg. Ces deux vies prenaient pratiquement tout son temps, pourtant, elle ne s'en plaignait pas. Elle avait bien mûri en sept ans, et la jeune femme fragilisée par le départ brutal de sa mère laissait désormais place à une femme sûre d'elle, comme l'était Mila à l'époque. Elle avait pris de l'assurance, bien assez pour se permettre de temps en temps de faire valoir son opinion critique auprès de la Trinité.
Ella aimait la justice, la vraie. Et tournait le dos à l'injustice.
En entrant dans le bureau de Craig, Ella déposait lourdement un dossier sur le bois massif de ce dernier. Les prunelles de la Mexicaine fixaient sévèrement son propre patron sans réellement se soucier des répercussions qu'il risquait d'y avoir. Avec le temps, elle avait appris à éviter William par l'aura détestable qu'il pouvait dégager, ainsi qu'à ignorer Agathe pour les rapports hostiles qu'elles entretenaient. Elles possédaient un caractère fort, toutes les deux, et c'est pour cette raison précise qu'elles n'avaient jamais réussi à s'entendre. En ce qui concernait Craig, elle préférait généralement se référer à lui. Après tout, lorsqu'on y pensait, une communication avec l'un des trois membres de la Trinité restait amplement suffisante, vrai ? Ella savait son importance au sein du Conseil et de l'Alliance. Ou du moins, elle savait l'importance que Red pouvait avoir. Et c'est bien pour cela qu'elle profitait de cet avantage et de cette sécurité pour avancer ses points de vue et ses idées pas toujours appréciés. Et aujourd'hui, elle semblait particulièrement contrariée par un dossier et plus précisément par un jugement.
L'audience avait lieu dans moins d'une heure et en prenant connaissance de ce dossier, Ella s'était opposé à ce jugement.
« Il n'a rien fait de mal. Si William continue de mener tous les alliés à l'échafaud de cette manière, très bientôt, il n'y aura plus personne dans nos rangs. Ils vont tous finir par fuir avant même d'être virés. Alors dis-moi en quoi cet homme à fauté en dehors du fait qu'il a fait le nécessaire pour protéger sa famille ? »
L'histoire se répétait. Elle avait déjà eut affaire à ce genre de contexte là. Cet homme, Ed Willer, à caché son fils, vraisemblablement incompatible à ce monde. Ed était potentiel de l'Aigle, et son fils, conçu avec une simple humaine décédée à la suite de complications lors de l'accouchement, ne possédait visiblement pas le don de potentiel à son tour. Ed l'avait gardé en sécurité et protégé tout en sachant que l'Alliance allait lui tomber dessus. Qu'ils allaient découvrir que son fils savait la vérité au sujet de ce monde sans en faire partie. Et ce jour était arrivé. Ella refusait de jouer un rôle dans l'exil de cet homme et encore moins pour ce genre de raison.
« That's the price you pay / Leave behind your heartache, cast away / Just another product of today / Rather be the hunter than the prey» Imagine Dragons – Natural
Craig était bien conscient de sa réputation au sein de l’Alliance : les autres membres de la Trinité ne se privaient pas de le lui rappeler. Quelque chose à propos d’un certain standing à avoir, une autorité qui devait également se manifester dans les mots qu’on lui adressait. Craig avait assez lu pour savoir qu’ils n’avaient pas tort, mais ça le faisait quand même éminemment chier. Remarquez, ça l’emmerdait aussi quand on entrait dans son bureau à l’improviste pour balancer un dossier devant lui. Heureusement pour elle, Ella connaissait sa valeur, et n’ignorait pas que Craig l’aimait bien. Avec un soupir, ce dernier leva la tête vers elle, un air blasé sur le visage.
Il ne connaissait pas les dossiers par cœur, mais il était bien forcé de prendre connaissance de ceux qu’il allait devoir juger dans la journée. Cette affaire ne lui plaisait pas plus qu’à elle : c’était encore un de ces cas d’éthique complexes qui avaient tendance à diviser l’opinion. Il y avait toujours des gens pour voir tout noir ou tout blanc, alors que vraiment, il n’y avait que des nuances de gris (et de mauvaises œuvres en lien avec).
Clairement, il n’avait aucun compte à rendre à Ella Gallagher et il en avait conscience. Mais il était moins buté que William, et comprenait la nécessité de ne pas toujours prendre tout le monde de haut. Nul doute qu’Ella savait aussi qu’elle ne pourrait rien faire pour contrer le jugement qui serait rendu : la seule inconnue désormais, c’était les mots avec lesquels il essaierait de calmer sa contrariété.
— Je sais ce que tu penses, mais on ne peut pas être souples avec le secret.
Il chercha son regard dans un vieux réflexe, avant de rapidement détourner les yeux. Il ne voulait pas qu’elle pense qu’il cherche à la contraindre à quoi que ce soit. La plupart des gens évitaient de le regarder dans les yeux de toute façon. Il était le Basilic du château.
— Ce malheureux aurait être dû plus malin que ça, c’est tout ce que je peux te dire. Tant qu’on n’a pas quelqu’un sous la main qui pourrait nous permettre de défaire ce qui a été fait, je me vois dans l’obligation d’être extrême. On ne peut rien risquer.
Un membre du Conseil avec une capacité d’amnésie serait hyper pratique, c’était vrai. Un petit coup de « regarde-moi » et flash ! Plus rien. Évidemment, s’ils tombaient un jour sur quelqu’un ayant ce pouvoir, ce ne serait pas aussi simple, mais on pouvait toujours rêver, non ? En attendant, même le gentil et doux lion qu’était Craig ne pouvait laisser passer quelqu’un qui avait trahi leur première et plus importante règle de vie.
Ella était contrariée et cette expression se lisait avec perfection sur les traits de son visage. Les sourcils légèrement foncés, le nez plissé et les dents serrées. Elle se reprit pourtant bien assez rapidement. Elle n’aimait pas être contredite. Et c’était pire d’année en année. L’assurance qu’elle prenait allait probablement lui faire défaut un jour ou l’autre, pourtant, elle ne s’avoua pas vaincue par tes propos. En se penchant légèrement comme pour faire valoir une certaine autorité, elle plaçait ses mains à plats sur le bureau en toisant son supérieur hiérarchique avec insistance, nullement intimité par le pouvoir qu’il pouvait exercer de son regard sur elle, s’il le désirait.
« Eh bien le jour où tu cesseras d’être à la botte de William, j’attendrais un signe de ta part. »
La jeune élue du renard reprit une respiration qu’elle relâcha silencieusement par ses narines, et se redressa. Ella commençait déjà à déjouer les règles. Elle n’écoutait plus les ordres et cherchait à imposer sa propre loi. Nullement écoutée, évidemment, mais elle s’imposait. De plus en plus. Elle avait quelque chose qui avait manqué à sa mère. Un libre-arbitre important. Juger pour juger, ne l’intéressait plus.
La brune observait Craig longuement, avant d’entendre le cliquetis de la porte derrière elle qui annonçait l’arrivée d’un troisième individu, ce dernier avait pris, lui, la peine de toquer, chose qu’Ella avait omis. Non pas par manque de respect, mais parce qu’elle jugeait une intimité suffisante après sept ans de collaboration pour se le permettre.
« L’audience débute dans dix minutes. »
Il s’agissait d’Agathe. Elle lança un regard hautain en direction de la mexicaine, avant de repartir sans réellement quémander son reste.
« Je refuse d’approuver sa sentence. »
Elle suivit de ce pas le chemin qu’Agathe venait de prendre après avoir récupéré son dossier, elle aussi, sans attendre une réponse de ta part. Un trait pourtant commun entre les deux jeunes femmes qui semblaient incapable de s’entendre.
[...]
Quelques minutes plus tard, vous vous trouviez dans la cour de justice. L’accusé avait été amené, Agathe avait rejoint William, et les bancs de la salle n’étaient qu’à moitié remplis.
À chaque jugement, William était en avant. Il prononçait toujours le même discours, celui qui menaçait ceux qui osaient défier et trahir l'Alliance. Un discours qui commençait a lui filer une nausée insupportable à chaque mot qu'il osait encore prononcer. Non, elle ne se sentait plus chez elle ici, dans cette dictature presque évidente.
Le dirigeant du trio se tut enfin, pour laisser la parole à ces deux confrères qui se partageaient généralement les tâches. Et elle savait, que très bientôt. Comme à chaque fois, ce sera à son tour d'entrer en action, à elle, et à Red, son anima. Elle sentait sa présence non loin de ce lieu, même s'il n'était pas présent dans la salle. Elle sentait qu'il comprenait qu'elle s'apprêtait à faire sa première erreur. Mais ne s'y opposa pas.
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